Pour l’Éco – mai 2023
PSYCHOLOGUE
La (le) psychologue peut intervenir dans de nombreux secteurs de la vie économique et sociale. L’intérêt pour ces parcours ne se dément pas, mais chaque candidat(e) doit être clair sur ses motivations. On ne devient pas psychologue pour résoudre ses problèmes personnels.
Textes : Lucile Chevalier
Quels mécanismes régissent les pensées, les peurs, les comportements ? Depuis l’Antiquité, chacun essaie de percer les mystères de l’âme. Une quête qui ne se dément pas avec le temps. Pour preuve, en 2022, sur Parcoursup, 141 000 lycéens souhaitaient, une fois le bac obtenu, s’orienter vers une licence en psychologie. En France, il y a 70 790 psychologues, dont 88 % de femmes. Pour toucher du
doigt la diversité de cette profession, trois psychologues nous parlent de leur métier.
Regarder dans le rétro Maxence Furhmann, enseignant à l’École des psychologues praticiens, a exercé de 2018 à 2022 dans une clinique psychiatrique pour adultes.
« J’ai choisi ce métier au lycée. On disait que j’avais une bonne écoute. Alors, pourquoi pas devenir psychologue ? À l’époque, je croyais que cela se résumait à un divan et une oreille attentive. C’est plus exigeant et complexe que ça. “L’esprit”, disait un de mes enseignants à l’EPP, “c’est comme un parc”. La théorie, les études et la recherche sur les mécanismes psychiques sont comme des cartes qui nous renseignent sur le relief, les cours d’eau du parc. Mais pas sur le terrain
lui-même. Ce terrain, nous l’approchons en travaillant avec le patient. À la clinique psychiatrique, je recevais des patients hospitalisés avec des addictions, des troubles anxieux, des burn-out. Mon rôle était de les accompagner, de les aider à regarder dans le rétroviseur pour trouver le moment où ils sont sortis de la route. Ce travail est un aller-retour constant entre le patient et la théorie, entre le patient et son histoire. On part de ce qu’il dit et de ce que le corps exprime (insomnie, phobies, etc.), on identifie le mécanisme et on revient au patient. Mon conseil pour les lycéens : ne choisissez pas ce métier pour régler vos problèmes à vous. Il faut d’abord être au
clair avec soi-même. »
Savoir détecter les signaux faibles Audrey Kurdyk, psychologue du travail, a ouvert son cabinet, après avoir été chargée, puis responsable, des relations humaines au sein d’une PME, de 2018 à 2021.
« Je suis entrée dans l’entreprise à un moment charnière : l’arrivée d’un nouveau directeur. L’ambiance, l’esprit et les valeurs de l’entreprise étaient en mutation. Nous sommes passés de 90 à 350 salariés en moins de trois ans. Je m’occupais des entretiens de recrutement, des plans de formation et des parcours. Ce qu’apporte un(e) psychologue du travail aux ressources humaines est cette capacité à détecter des signaux faibles, à sentir par exemple qu’un salarié souhaite quitter l’entreprise, avant qu’il n’annonce son départ. Les entretiens d’évaluation, à condition de lire entre les lignes, le comportement, le non verbal fournissent de précieux indices. Cette expérience m’a beaucoup apporté et je gagnais plus que des psychologues en libéral en fin de carrière. Le seul hic, c’est que j’étais entre deux eaux, au service des salariés, mais avec des comptes à rendre à la direction. »
Génération dépression ?
Dur d’avoir eu 20 ans pendant le Covid. L’isolement, la peur et l’impression que le monde ne tourne plus rond… L’épidémie a laissé de profondes blessures chez les étudiants. C’est le cas notamment à Bordeaux. L’université de la ville mène actuellement une large étude (projet Prisme) auprès de 2 000 étudiants. Les premiers résultats, publiés juste avant le printemps, sont très alarmants. Avant la crise sanitaire, 26 % des étudiants bordelais se disaient dépressifs, à la rentrée 2022-2023, ils sont 43 %. Avant, 20 % avaient des pensées suicidaires, ils sont désormais 32 %. Près de 20 % des participants à l’étude ont également confié prendre un traitement contre l’anxiété, l’angoisse ou le stress. À l’Espace santé étudiants (ESE) sur le campus bordelais, les chiffres sont du même acabit. Les consultations ont bondi de 30 % en un an. Quant aux séances financées par les « chèques psy » (dispositif mis en place par le gouvernement pendant le Covid), elles ont doublé, passant de 2 440 en 2021 à 4 800 en 2022. Pour inciter les étudiants à briser leur isolement et à demander de l’aide auprès d’un ami, de la famille ou d’un psychologue, le campus bordelais et le Centre hospitalier
Charles Perrens ont lancé une campagne vidéo baptisée « Premiers pas ».
QUELS SALAIRES ?
• UN(E) PSYCHOLOGUE SALARIÉ(E) DÉBUTE À 1 404 € net par mois, et gagne, après 3 à 5 années d’expérience, 1 950 € net par mois. En libéral, les honoraires sont en moyenne de 80 € la séance à Paris et 60 € en région.
• UN(E) PSYCHOLOGUE DU TRAVAIL embauché par une entreprise débute à 1 700 € net par mois et après 3 à 5 ans d’expérience, il peut toucher jusqu’à 3 200 € net par mois.
• UN(E) PSYCHOLOGUE DE LA POLICE JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE (PJJ) gagne entre 2 201 € et 4 306 € net par mois.
(Source : CIDJ)
Ce que l’on dit et ce que l’on tait Martine Ravineau est psychologue à la protection judiciaire de la jeunesse, une des directions du ministère de la Justice, depuis 37 ans.
« J’interviens sur ordonnance d’un magistrat, sur de courtes durées – de trois mois à un an –, aussi bien avant qu’après une sentence, en milieu ouvert comme en centres fermés (les foyers). Le gros de mes patients a entre 15 et 18 ans et ils ont commis des crimes (viols) et délits (agression, incendie). Ils n’ont pas demandé à être là. Mon travail est justement de transformer cette demande émanant de la société en demande individuelle. Il faut montrer comment nous pourrons travailler ensemble et l’amener à prendre conscience de son acte et de la victime. Le premier échange se fait toujours avec les parents, c’est la loi. Il s’agit de voir comment s’est construit son lien à l’autre. Le plus dur, c’est le compte rendu écrit que je transmets au magistrat Il faut faire attention au fond (ce que je dis, ce que je tais) qu’à la forme, pour ne pas laisser libre cours aux interprétations de la partie civile. Il faut ramener le débat sur l’individu. J’ai eu certains stagiaires qui s’imaginaient en “profiler” du FBI. La psychologie n’est pas une boule de cristal. Tout n’est pas écrit. L’humain a des ressorts inattendus. »
POUR ALLER PLUS LOIN
La série En thérapie, sur Arte.
Le podcast « Les mots du psy », sur France Inter.
La campagne #premierspas sur les réseaux sociaux par l’Espace de Santé Étudiants de Bordeaux et le Centre hospitalier Charles Perrens.
QUELLE(S) FORMATION(S) ?
Depuis la loi du 25 juillet 1985, il existe un titre de psychologue. Pour le décrocher, il faut un master en psychologie, obtenu à la faculté ou à l’École de psychologues praticiens (EPP), avoir effectué un stage professionnel et s’inscrire au répertoire Adeli, qui recense les professionnels de santé réglementés. Pour devenir psychologue de la Police judiciaire de la jeunesse (PJJ), les diplômés d’un master en psychologie doivent passer le concours externe des fonctionnaires. Suite à l’admission, suivent huit semaines de formation à l’École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ).
Spécialités au lycée : une matière scientifique (mathématiques ou SVT) et Humanités,
littérature et philosophie.
https://www.psycho-prat.fr/wp-content/uploads/2023/06/PourLEco51Mai23-JobPsychologue.pdf
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